ASSITANT
KOROKOSS, CANTATRICE
Une
présence prometteuse dans les bacs
Ça
y est ! Elle peut enfin pousser un ouf de soulagement parce que son
premier "bébé", Tiè bè Dougoula,
est dans les bacs depuis le 10 mai 2006. Une naissance qui doit beaucoup
à la détermination de son auteur et compositrice, Assitan
Korokoss dite Aïcha. A force de persévérance, de
courage et d'abnégation, elle vient de relever un défi
artistique. Et elle ne manque pas non plus d'atouts pour réaliser
ses autres ambitions.
Même
si elle n'est pas assez connue des mélomanes et des téléspectateurs,
il n'est pas évident que son premier opus passe inaperçu.
Tiè bè Dougoula est un bon essai de huit titres puisés
dans le tréfonds du terroir bamanan. Des chansons entonnées
d'une voix limpide donnant souvent la chaire de poule aux âmes
sensibles. Et on ne peut que s'émouvoir en écoutant des
chansons qui nous rappellent encore des valeurs jadis fortement encrées
dans nos mœurs.
Solidarité paysanne, courage et bravoure dans le labeur et face
aux nombreux défis de la vie…, autant de rappels qui doivent
amener à prendre conscience de ce que nous perdons comme richesse
en se détournant de nos traditions. Et difficile de ne pas avoir
des frissons de compensions en écoutant "Kanakassi",
un titre dédié aux enfants victimes de la déficience
mentale ou de la polio, aux orphelins du Sida ou de tous ces fléaux
comme les guerres civiles, le paludisme… qui ravagent l'Afrique.
La trentaine assumée avec élégance, Aïcha
a sans doute réussi une entrée prometteuse dans le cercle
des jeunes cantatrices. Il n'en pouvait être autrement pour cette
courageuse fille contaminée par la passion musicale de son père.
"Mon père adorait la musique. A ma naissance, il avait plus
de deux cents cassettes d'artistes différents". Et dès
sa tendre enfance, Aïcha s'est éprise des Tata Bambo Kouyaté,
Amy Koïta, Kandia Kouyaté. Elle passait la journée
à fredonner leurs chansons les préférant à
ses leçons. "Je ne me suis jamais passionnée pour
les études même si je suis présentement des cours
du soir pour améliorer mon niveau. Cela est indispensable à
mes ambitions musicales", confesse celle qui avait abandonné
les bancs en 4è année du Fondamental. La chanson l'a emporté
sur les études au grand dame de sa mère qui nourrissait
d'autres ambitions pour sa fille.
Et, curieusement, c'est l'école qui lui a offert son premier
cadre d'épanouissement. La starlette de Sikorolen (banlieue de
Bamako) rappelle, "la classe a été la première
scène que j'ai fréquentée et mes camarades ont
été mon premier
public. Mes tours de chants étaient un événement
dans notre école, à Sikorolen. Ce jour, c'est presque
toute l'école qui venait m'écouter chanter. Et les enseignants
m'ont beaucoup encouragé à persévérer sur
cette voie sans non plus négliger mes études". Elle
n'a pas suivi les conseils à la lettre. Elle a préféré
privilégier une carrière artistique !
Son talent a vite franchi l'espace scolaire. Elle s'imposa vite comme
une coqueluche des cérémonies sociales de son quartier.
Avec une réputation grandissante, elle va sillonner d'autres
localités (Ségou, Niamina, Fana, Bla, Dion…) pour
répondre aux nombreuses sollicitations de ses fans. Elle était
même sollicitée pour agrémenter les récoltes
de sa belle et douce voix. En retour, elle recevait de l'argent et des
céréales. Cela lui permet encore de soutenir sa famille
loin d'être aisée. Les téléspectateurs la
découvrent en 2001 grâce à Top Etoiles (une émission
de la télévision malienne). Une expérience qu'elle
réédite l'année suivante. Le succès rencontré
l'encourage dans sa volonté de produire un album.
Ce qui a réellement été une œuvre de longue
haleine. Grâce au soutien de Kaniba Oulen Kouyaté et de
sa famille, elle parvient à faire une maquette. Mais, un producteur
de la place la roule dans la farine pendant trois ans. Découragée,
elle renonce momentanément à ce projet qui lui tient tant
à cœur. Ce n'est qu'en février 2005 que Mali K7,
dans sa politique de soutien aux jeunes artistes démunis, lui
offre l'opportunité d'entrer en studio. Tiè bè
Dougoula a été enregistré au Studio Yeelen. La
crise qui secoue le monde du show biz à cause de l'ampleur de
la piraterie a retardé la sortie de l'album. Mais, depuis le
10 mai 2006, Korokoss est dans les bacs. Et petit à petit, elle
commence à pointer le nez dans les hits de la bande FM.
Assitan n'est pas seulement une cantatrice à la voix émouvante.
Elle est aussi comédienne et danseuse. Dans ces domaines, son
talent l'a conduit dans la Troupe Babemba. Elle a également évolué
dans des pièces de théâtres comme Diawarala et Vieux
Galant (Aguibou Dembélé) ainsi que Fifi Jolie de Gaoussou
Coumaré. Comme expérience positive de sa jeune carrière,
elle rappelle sa participation à la caravane d'artistes qui a
sillonné le pays pour informer et sensibiliser les populations
par rapport à la reprise de la biennale artistique et culturelle.
Une expérience qui lui a permis de côtoyer les Tata Bambo
Kouyaté, Kandia Kouyaté, Oumou Sacko, Gaoussou Koné,
Coumba Sira Koïta…
Et aujourd'hui, Aïcha est à la croisée des chemins.
Le succès de ce premier album sera un atout précieux et
une grande motivation pour la suite de sa carrière. Mais, ce
qu'elle craint le plus, c'est la piraterie ! "Qui aimerait mourir
de faim à côté de sa récolte, maigre fut-elle
? C'est pourtant à cette situation révoltante que les
pirates condamnent les artistes maliens depuis des décennies.
Nos succès ne nous profitent guère dans ce pays",
se révolte-t-elle.
En attendant que les autorités maliennes se décident à
adopter des solutions radicales contre ce fléau qui est en train
de tuer ma culturelle malienne à petit à petit la créativité
des artistes maliens, elle mise sur le soutien de ses Diatiguiw (mécènes)
et des mélomanes. Un soutien qui doit aujourd'hui se traduire
par le boycott total des cassettes piratées. C'est la meilleure
façon, selon la sage Assitan Korokoss, de soutenir les jeunes
talents comme elle.
Moussa Bolly |