5 avril 2005

Communiqué de presse du Collectif des artistes et producteurs victimes de la piraterie

La lutte contre la piraterie était le sujet de «Question d’actualité» (une émission de la télévision nationale) du dimanche 03 avril 2005. Une initiative que le Collectif des artistes et producteurs victimes de la piraterie saluent parce qu’il n’y a pas mieux qu’un débat pour confronter les opinions et les stratégies. Malheureusement, celui du 03 avril 2005 n’a pas atteint son but pour deux raisons fondamentales. La première, c’est que la piraterie est un problème national. Pour donner la chance à la majorité de citoyens de savoir ce qu’est la piraterie, quels sont ses tenants et aboutissants, il aurait fallu que le débat se fasse dans une langue comprise au moins des ¾ des populations : le bambara !
La seconde raison, c’est que certains participants se sont laissés débordés par leur passion et leur frustration au point d’occulter l’essentiel ou de mélanger les pédales dans les prises de position. Ce qui les a amené à être moins conséquents et moins réalistes dans leurs déclarations et surtout dans les solutions proposées. Le représentant du ministère de la Culture est complètement passé à côté du sujet en parlant de rénovation… à la place des mesures concrètes prises pas son département pour assainir le marché. Le Bureau malien des droits d’auteur (BUMDA) s’est surtout illustré par une perpétuelle fuite en avant. Nous sommes d’accord avec lui lorsqu’il parle de spécialisation dans le secteur, de toilettage des textes parce que la législation est en total déphasage avec les réalités économiques et culturelles de l’heure. Sinon le reste frise la démagogie.
«Nous avons fait ceci, l’Etat a fait cela…», s’est contenté de répondre son directeur à la plupart des questions qui lui ont été posées pour éclaircir les zones d’ombres. Parce que, à notre avis, le débat ne doit plus être à ce niveau. Il doit plutôt porter sur l’efficacité des initiatives de l’Etat et des actions mises en œuvre par le BUMDA pour assainir le marché. C’est cela l’essence de ce débat. Tout ce que l’Etat a fait jusque-là est conforme à son engagement constitutionnel de garantir la quiétude à tous les citoyens et de protéger tous les acteurs économiques contre la concurrence déloyale. Sans compter qu’il a aussi intérêt à lutter contre la piraterie parce que la musique rapporte au moins 1 milliard par an au Trésor public.
La contribution de l’Etat au BUMDA est passée de 5 à 110 millions de F CFA, le gouvernement a déboursé plus de 50 millions pour offrir au BUMDA le matériel nécessaire à l’apposition des stickers sur les cassettes (somme remboursée par les producteurs et distributeurs). Ce sont les arguments que le BUMDA ressort le plus souvent pour se donner le beau rôle dans cette lutte salvatrice. La mauvaise volonté du Directeur du BUMDA est là. Ils ont toujours soutenu qu'ils n'ont pas de moyens humains pour les opérations de saisie des cassettes. Mais, il aurait fallu que les deux unités (Mali K7 et Seydoni-Mali) ferment pour voir le BUMDA récupérer 20 000 cassettes, en une matinée, aux abords de Dabanani.
Le combat contre la piraterie ne peut être mené efficacement que s'il y a une présence constante des agents chargés de la répression sur le terrain. L'engagement du ministre Cheick Oumar Cissoko aux cotés des artistes ne fait l'ombre d'aucun doute. Mais certains cadres qui relèvent de son département n'arrivent toujours pas à accompagner cette volonté manifeste. Aujourd'hui, la préoccupation majeure du premier responsable du Bumda consiste à diviser les acteurs de la production musicale pour mieux régner. Sinon comment comprendre que les jaquettes des cassettes dont les licences ont été vendues aux pirates soient autorisées au moment où la profession crie à la concurrence déloyale? Décidément, le ridicule ne tue pas dans ce pays. Comment comprendre que le premier responsable de la lutte contre la piraterie s'oppose à la destruction pure et simple des œuvres saisies comme stipulent les textes ? Que dire alors de la réaction de M. Harouna Barry ? En tant qu'artiste, sa démarche est compréhensible, il n'a aucun album sur le marché. Les Maliens se souviennent encore de son pari en 1992, lorsqu'il a pris l'engagement de mettre un album sur le marché au bout de mois en réceptionnant le matériel flambant neuf offert par Alpha Oumar Konaré. Il a fallu attendre la veille de la Coupe d'Afrique des Nations "Mali 2002" pour voir le premier album du National Badema, dont il avait la charge sortir un premier produit. En tant que membre du conseil d'administration du Bumda, il a surpris plus d'un Malien, lui qui par nature charge toujours l'Etat par ses prises de position. Il est arrivé en tant que sauveur du Bumda, il est repartit, la tête basse.
Les discussions doivent maintenant porter sur les effets des efforts ainsi consentis. Qu’est-ce que la hausse de la contribution de l’Etat aux droits d’auteur a changé ? Quel a été l’impact de l’imposition du sticker dans la lutte contre la piraterie ? Ce sont là des questions essentielles dont la réponse permet de se faire une idée de l’efficacité ou l’inefficacité des initiatives de l’Etat ou des stratégies de combat du BUMDA.
Son directeur a soigneusement évité ce terrain parce qu’il sait qu’il lui est défavorable. Et à part le représentant de Mali K7 et Habib Koité, les autres se sont prêtés à ce jeu sur le plateau. Il est évident que le sticker n’a eu aucun impact positif sur la lutte contre la piraterie. Cela est en tout cas invisible. Bien au contraire, la piraterie n’a cessé de gagner en ampleur. Certains d’entre-nous avaient attiré l’attention du BUMBA sur le fait qu’il y a un effort de communication qui doit soutenir et accompagner l’imposition des vignettes. Il faut que les consommateurs sachent ce qu’est un sticker, pour quel but on l’appose sur une cassette, quels sont les avantages à acheter une cassette portant un sticker ? Il est vrai que ce travail de communication n’incombe pas à lui seul. Mais, s’il avait réellement joué sa partition comme certains producteurs et distributeurs, l’impact du sticker aurait été plus palpable.

Par rapport à la saisie et à la destruction des cassettes pirates, la législation ne laisse aucune équivoque sur le sujet. Une cassette contrefaite parmi 1 millions de cassettes légales, c’est tout le lot qui est saisi. Et nous ne nous souvenons d’aucune disposition de la loi autorisant le BUMDA à rendre les cassettes légales après. Même s’il y un vide juridique supposé dans ce sens, il doit profiter plutôt à ceux qui s’investissent réellement pour développer le secteur et non à ceux qui sont tapis dans l’ombre pour spolier les acteurs de la filière des fruits de leurs investissements.

Puisque l’ORTM promet d’organiser un autre débat dans trois mois pour évaluer le chemin parcouru, nous osons espérer que les aspects soulevés ci-dessus seront pris en compte à cette occasion afin de mieux éclairer sur la question de la piraterie.
Bamako le 05 avril 2005

Le Collectif des artistes et producteurs victimes de la piraterie