Tribune / Presse
Article paru dans
N°1878 -18/03/2005

SEYDONI ET MALI K7 JETTENT L’EPONGE

Piraterie des œuvres musicales.
Depuis quelques années, les artistes maliens se plaignent de la piraterie de leurs œuvres musicales. Pour protester de manière officielle contre le silence des autorités politico-administratives, Seydoni Mali Sa et Mali K7 Sa, deux entreprises de production et de duplication, ont décidé de fermer leurs portes.


Le mercredi 16 mars 2005, Mali K7 Sa et Seydoni Mali Sa ont cessé de travailler. « Fermée, victime de concurrence déloyale et piraterie », est le message bien perceptible que les entreprises de duplication de la place ont affiché dans les locaux pour informer leurs clients ou éventuels visiteurs.

Seydoni Mali et Mali K7 ont animé le mercredi 16 mars une conférence de presse conjointe pour expliquer leur décision.

Philippe Berthier, Directeur de Mali K7 très remonté contre les autorités du pays n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer leurs attitudes.

Ils reprochent aux autorités leur timidité dans la lutte contre la piraterie des œuvres musicales.

Selon lui, la piraterie tue les artistes et les entreprises de production et de duplication. « Il y a tellement de cassettes piratées sur le marché que nous sommes obligés de travailler, seulement, 3 à 4 jours par mois. Ce n’est pas évident en travaillant 4 jours par mois qu’on puisse assurer les salaires. On ne peut pas payer le courant, le téléphone3, a-t-il déclaré.

Pour cela, il a estimé que la fermeture de l’entreprise est la meilleure voix indiquée.

De son côté, Fousseyni Traoré, Directeur de Seydoni Mali a rappelé que seulement 2 % des cassettes vendues dans les rues au Mali sont légales. « Tout le reste est de la contrefaçon qui inonde le marché sans gêne », a-t-il indiqué.

Il a ensuite estimé qu’il est temps que les autorités s’impliquent aux côtés des artistes pour endiguer ce fléau qui tue la culture malienne.

Idrissa Soumaoro, premier prix RFI Musique du monde 2004, a mis en exergue le gravité du phénomène. Selon lui, une nouvelle œuvre musicale est piratée au Mali deux jours après sa mise sur le marché. « Nous demandons au gouvernement de prendre ses responsabilités », a-t-il martelé.
Si les responsables d’entreprises et les artistes d’un certain âge se sont exprimés avec beaucoup de diplomatie, les jeunes artistes ont vigoureusement dénoncé la piraterie.

Amkoullel l’enfant peul a demandé à l’Etat de prendre ses responsabilités avant que l’irréparable ne se produise. Selon lui, les artistes ne vont plus se laisser faire et vont se rendre justice. « Nous allons prendre nos responsabilités en moralisant le marché de la vente des cassettes ».

L’arrangeur Alassane Soumano a posé le problème sous l’angle de la sécurité sociale des artistes musiciens. Il est révolté des multiples interventions du président de la République chaque fois qu’un artiste est malade. Selon lui, cela devait attirer l’attention des autorités qu’il y a un dysfonctionnement quelque part.

Mr Soumano estime que la musique malienne est très riche. Cependant, il n’arrive pas à s’expliquer la pauvreté des artistes musiciens au Mali.

Pour cette raison, il veut savoir l’utilisation que l’Etat fait des 35 % prélevés sur les droits d’auteurs.

Alassane Soumano a invité les autorités maliennes à s’impliquer sincèrement dans la lutte contre la piraterie pour la suivie des artistes maliens. Selon lui, si les choses sont faites dans les normes, il n’y a pas de raison qu’un artiste ne vive pas de son travail.

De son côté, Mamou Sidibé, la virtuose du Ganadougou, a raconté une de ses mésaventures avec les jeunes revendeurs de cassettes piratées. Selon elle, ces jeunes ont poussé l’outrecuidance à venir lui proposer une cassette piratée de son œuvre sortie en 1999. « Ce jour là, n’eut été l’intervention des policiers, ils ont voulu me battre parce que j’ai refusé d’acheter ma propre cassette piratée », dira-t-elle.

Malick Konaté de Mali K7 a indiqué que la décision de fermeture de leur entreprise marque leur refus de retourner en arrière de 25 ans. « Nous refusons qu’on nous oblige à aller en Côte d’Ivoire, au Nigeria ou en France pour faire une cassette. Pour cela nous fermons pour prendre le peuple en témoin », a-t-il conclu.

Assane Koné