Amadou & Mariam | |
Amadou & Mariam Tjè ni Muso L'histoire récente de la musique a été écrite sur papier recyclé, la plume trempée dans l'encre des débrouillardises. Les péripéties du Bembeya Jazz, des Ambassadeurs du Motel ou du Rail Band de Bamako suffiraient à alimenter en ingrédients burlesques les épisodes d'un sit com animiste ayant pour vedettes manager indélicat, marabout vénal et expert en piraterie. Dans
ce contexte hasardeux, l'itinéraire de Amadou
et Mariam nous apparaît d'un héroïsme sans tapage. En ces temps de dictature militaire, la vocation de musicien faisait converger les plus doués vers les orchestres à résidence des établissements hôteliers où, moyennant un salaire de fonctionnaire, ils animaient pour une clientèle composée d'huiles gouvernementales et de ressortissants étrangers, des soirées dansantes, à radoter les derniers tubes de variétés à la mode et à décliner la gamme des danses cubaines. Amadou Bagayoko fit à la fin des années 60 ses armes de guitariste au sein des Ambassadeurs du Motel de Bamako, formation polyvalente que rejoindra par la suite Salif Keita. Il y affine sa technique de guitare, rend son jeu fluide, étincelant, jette des ponts de fortune entre les continents musicaux, cultive ce sens de la versatilité le contraire de l'éparpillement qui devait aboutir à l'émergence du blues bamanan radieux, épanoui de leurs productions récentes. Mariam Doumbia chante de son côté, souvent accompagné de Amadou, et lorsque le couple décide enfin de faire carrière commune les chances de réussir au Mali foisonnent au point qu'ils décident d'émigrer en Cote d'Ivoire où le succès les prend par surprise. Eloignés
de leurs trois enfants, ils réaliseront là bas une série de cassettes
produites par le Nigérian Aliyu Maïkano Adamu sur lesquelles s'écoulent,
habillées d'une seule guitare acoustique, les versions initiales de
"Dunia", de "A chacun son problème", de "Mon
amour, de ma chérie". "Tiè ni muso", L'homme et la femme en bamanan, vient ajouter au spectre déjà riche du précédent des nuances sonores, des inflexions rythmiques, fait affluer des quatre coins du globe essences et parfums divers cavaquihino portugais, violon bengali, piano jazz vers cet épicentre qu'est l'Afrique, terre des mille danses. Amadou
et Mariam
semblent entendre leur propre musique à travers le filtre de ce qui
les émerveilla adolescent : la pop des années 70, le blues électrique,
le reggae, la salsa… Sans en avoir conçu le projet, sans y songer vraiment,
l'homme et la femme ramènent à la maison ces lointains rejetons ayant
le continent noir pour berceau. Amadou et Mariam nous disent alors avec leurs mots simples la supériorité de l'harmonieux sur le discordant ; l'amusant paradoxe que porte les chansons de ce couple d'aveugles maliens est qu'elles ont le pouvoir de rendre la vue à ceux qui croient y voir déjà. |
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12/01/2004 |