Bassi Kouyaté
 

Bassi Kouyaté "Chants de Griot Bambara "

Bassi Kouyaté est né en 1968 à Banamba, dans la région de Koulikoro, au Mali. Troisième fils du griot Djiguy Kouyaté, il est pourtant le seul musicien professionnel de sa famille. Remarqué très tôt pour la chaleur de sa voix et sa virtuosité dans le jeu du n'tamani [1], du n'goni [2], puis de la guitare, il est engagé dans l'ensemble instrumental du cercle de Koulikoro à l'âge de dix ans, et y joue jusqu'en 1984. A l'image d'un bon nombre d'artistes maliens, il décide alors de tenter sa chance à Abidjan, et de vivre de son art.

C'est pourtant à Bouaké, deuxième ville de Côte d'Ivoire, que Bassi Kouyaté fait la rencontre du djembefola [3] Soungalo Coulibaly, comme lui originaire du Mali, qui en fait son propre griot et l'emmène en tournée en Europe. Là, comme en Afrique, son jeu de guitare très particulier lui vaut rapidement le respect des milieux musicaux. Il participe à l'enregistrement du premier disque de Soungalo Coulibaly, ainsi qu'à l'élaboration du spectacle Tyanaba par le ballet métis Djinn Djow (Suisse).
En août 92, l'ethnomusicologue Laurent Aubert lui consacre deux volets de son émission Résonance sur Espace 2 (Radio Suisse Romande), à l'occasion desquels il effectue les enregistrements qui font l'objet de ce disque (Mali: Chants de griot Bambara).
Héritier de traditions séculaires, Bassi Kouyaté peut être considéré comme un des grands guitaristes du répertoire traditionnel bambara actuel, et comme un digne représentant de la nouvelle génération des griots. "Mon père était un grand n'goni fola, un joueur de n'goni, et mon premier instrument, après le n'tamani, a tout naturellement été le n'goni. C'est d'ailleurs l'instrument que l'on utilise pour accompagner les récits, les épopées... Lorsqu'on m'a pris pour aller jouer dans l'ensemble instrumental du cercle de Koulikoro, c'était à cause de ma voix et de la façon dont je jouais le n'tamani ; mais quand on a su que je jouais du n'goni, et qu'on m'a entendu jouer, on ne m'a plus lâché pendant six ans. Comme je passais tout mon temps à jouer, j'étais bien connu à Banamba, et on me demandait souvent d'aller jouer dans les fêtes.
En 1982, un notable de Banamba, Madou Kagnassi, demanda en mariage une jeune fille de la région qui s'appelait Aïnè, et qui m'invita à venir jouer à la fête. Madou Kagnassi fut très content de ma prestation et enregistra plusieurs cassettes avec mes chants. Puis il partit en voyage en Guinée et en ramena une guitare qu'il m'offrit en cadeau. C'est comme cela que j'ai commencé à jouer de la guitare.

Mais pour mon père, qui est un traditionaliste, la guitare apparaissait comme un danger. C'était l'instrument des drogués et des alcooliques et sûrement pas celui des griots. Il avait peur qu'en l'adoptant, je laisse tomber la tradition et que j'abandonne le répertoire des griots. Aussi, commença-t-il par m'interdire d'enjouer. J'entrai donc dans la clandestinité et entrepris d'en faire l'apprentissage la nuit. Chaque nuit, vers deux ou trois heures du matin, je me levais et prenais mon instrument. Mais une nuit où il ne parvenait pas à dormir, Ba Djiguy se leva et entendit ma musique. il décida de me surprendre, mais soudain, il se rendit compte que le morceau que je jouais était un de ses préférés dans tout le répertoire des griots. C'était le morceau même que m'avait appris ma tante, Kani Kouyaté, qui était une très grande chanteuse: c'était le "Tara". Aussitôt, mon père entra dans ma chambre et me prit dans ses bras en me disant de lui pardonner sa mauvaise conduite à mon égard. A partir de ce jour, il me fit souvent appeler pour lui jouer à la guitare ses airs favoris [4]".

[1] n'Tamani (n'tama): Tambour d'aisselle en forme de sablier; très répandu dans toute l'Afrique de l'Ouest Monté de part et d'autre par deux peaux de chevreaux soigneusement apprêtées, reliées l'une à l'autre par un système de lanières sur lesquelles on appuie pour faire changer le son en même temps que la tension des peaux, le tamani bambara se distingue de son cousin bobo (Mali et Burkina Faso) par sa taille plus petite et surtout par le jeu du musicien. Les griots bambaras jouent à la fois avec la paume et les doigts de la main gauche et avec une petite baguette recourbée en forme de canne, tenue dans la main droite. Le musicien joue assis ou accroupi, le tambour coincé entre son aisselle et sa jambe gauche, ce qui libère complètement le bras droit, alors que la plupart des instrumentistes issus des autres groupes ethniques qui utilisent le n'tama emploient le bras gauche pour tenir l'instrument et serrer plus ou moins les lanières.
[2] N'goni: Luth traditionnel à quatre cordes.
[3] Djembéfola Littéralement, "celui qui fait parler le djembé".
[4] Cf. Zanettl Vincent "La nouvelle génération des griots" in Cahiers de musiques traditionnelles, tome 6, "Polyphonies", Genève, Ateliers d'Ethnomusicologie, 1993, pp210 sq.

MAJ 15/01/2004