Lassy
King Massassy, artiste comedien
L’avocat des causes justes
Connaissez
vous le meilleur album rap de l'année au Mali? Ne fatiguez pas
vos méninges parce qu'il n'est pas encore sur le marché
discographique. "Niokala so" (littéralement, le cheval
de tige de mil, le cheval de bois, leurre), c'est son nom et il est
signé de Lassy King Massassy, "LKM".
Un jeune rappeur aux rimes cinglantes et aux messages poignants.
"Niokala
so" ! Le cheval de tige de mil! Celui qui l'enfourche pour essayer
de séduire les gens perd son temps parce qu'il se moque de lui-même.
Voilà une philosophie qui explique le choix du titre du futur
et premier album solo de Lassina Coulibaly
dit Lassy King Massassy (LKM). "Ceux
qui croient que les peuples africains sont dupes de leurs mensonges
et de leurs discours démagogiques se trompent", explique
la graine de roi (Massasy) pour justifier son choix. Un choix qui reflète
assez l'engagement de ce jeune rappeur.
Niokala so, un album autoproduit à environ deux millions de FCFA
(3.050,00 €), est beaucoup plus un pamphlet trempé au vitriol
qu'une oeuvre musicale. Parce que l'engagement dépasse la révolte
rapologique. Corruption, démagogie, mégalomanie, misère,
disette, privatisation, religion, délinquance... sont naturellement
aux menus des titres comme "Jamana Jô, Duwawu! Religion,
Fabara, Yèlèma, Babayo, Ananà min...".
Personne n'est épargnée. Aux jeunes, LKM rappelle qu'on
ne peut pas bâtir une nation en ayant comme devise, "paresse
et faiblesse". Il n'est pas non plus tendre avec "ces
guides religieux qui prêchent dans l'arène politique".
Mais,
c'est surtout les politiciens que le descendant de Biton Coulibaly ne
peut pas du tout sentir. Plus qu'une révolte, "Fabara"
sonne la charge contre une classe qui a fait de l'Afrique "le
cancer de la terre". Les jeunes se délectent de ce
discours engagé qui dénonce le "facho, macho,
mégalo... source de fiasco. Tu ne donnes pas chère de
notre peau. Ce n'est pas parce que le Congo Kinshasa a changé
d'appellation qu'il sera une nation libérée favorisant
la liberté d'expression et de circulation".
Une offensive justifiée parce que, "dans toute l'Afrique,
c'est le gouvernement qui se régale. État de lois infernales
et anormales avec des présidentiels illimités militant
pour l'Ivoirité afin d'éliminer les opposants".
Peut-on s'attendre à autre chose avec des "dirigeants
sortis des sentiers battus du néo-colonialisme et de l'impérialisme.
Des accablés d'insuffisance mentale qui pensent que tout ce qui
est gouvernemental est désormais leur héritage et sèment
la graine de la haine tribale et raciale".
Évidemment, on diagnostique mal les problèmes de l'Afrique
parce qu'il n'y a pas "de guerre raciale ou tribale en Afrique,
mais la myopie politique des régimes despotiques, semis civils...
Des militaires et des dignitaires affairistes comme des marionnettes
armées de baïonnettes utilisées pour immoler et dépecer
pour servir le maître à penser... Des légions étrangères
qui viennent sur le continent rien que pour s'emparer du commerce de
l'or et de diamant".
Prêcheur dans le désert ? Vous en voulez davantage ?
Ne
ratez donc pas Niokala so de Lassy King Massassy.
Un album qui sera bientôt sur le marché et qui a tous les
ingrédients de la meilleure oeuvre rapologique de l'année
2003 au Mali. Un opus sur lequel le messager a invité son épouse,
Aminata Doumbia (une choriste de Salif
Keïta), Tata Pound et Fatoumata
Diawara connue sur l'écran pour être l'actrice principale
de "Sya". Mais la grande: surprise que King réserve
aux mélomanes, c'est l'irrésistible featuring avec Salif
Kéita dans "Anana min", une reprise d'un hymne
romantique du rossignol. C'est dire que LKM à ratisser large
pour se donner tous les atouts lui permettant de réussir le parfait
coup... d'artiste ! Le résultat est merveilleux, délicieux.
Il ne pouvait pas mieux trouver pour marquer son grand retour sur la
scène musicale après une éclipse de presque trois
ans.
Parce que Lassy n'est pas un inconnu dans
l'arène. Il figure parmi les précurseurs du rap au Mali
avec .le groupe King Da Dja. Un groupe
dont le premier album a été produit par Salif
Keïta. Le rossignol s'était également chargé
de leur promotion en Europe. Et c'est en France que le chemin de King
s'est séparé de celui de ses camarades. "A la
fin de notre tournée, ils ont fait le choix de rester. Mais,
j'ai toujours pensé que mon destin est dans mon pays où
je tire mon inspiration. Je veux être une référence
pour la jeunesse malienne. Et ce n'est pas en Europe que je vais mieux
appréhender leurs préoccupations et leurs attentes. Je
suis donc revenu au bercail pour me mettre au service du peuple, de
la jeunesse", explique le patriote.
Il a donc opté pour la difficulté parce que la France
lui offre plus d'opportunités de succès que le Mali. Mais,
qu'à cela ne tienne. Le Tonjon aime sa patrie. "Je suis
fier d'être malien, d'être africain. Je suis un partisan
de l'intégration et de l'Union africaine. C'est pourquoi je suis
fier d'apprendre que mon pays est prêt à abandonner tout
ou une partie de sa souveraineté pour la réalisation de
l'Union Africaine. C'est l'un des rares acte positif des politiques",
explique-t-il.
Malgré ce farouche engagement pour les causes justes, Lassy
ne se veut pas un écorché vif. "L'énergie
de l'engagement m'a été donnée depuis mon enfance.
Il sera difficile pour celui dont les parents jettent de l'argent par
la fenêtre de se tenir au micro. Ce qui n'est pas le cas de celui
qui a presque connu toutes les misères du monde et qui était
quotidiennement confronté à des situations révoltantes.
Il sait ce que le peuple endure et est conscient de ses attentes. Il
est donc bien placé pour défendre leur cause, être
leur porte parole pour dénoncer, interpeller et revendiquer",
déclare-t-il. Sa crainte aujourd'hui est de prêcher dans
le désert. "Un jour j'écoutais mes chansons avec
ma grand-mère. Elle m'a dit : "Lassy, tes prises de positions
sont pertinentes. Mais, je crains qu'elles servent à changer
la situation parce que les gens vont t'admirer, mais personne ne va
agir. Une analyse pertinente de la part d'une vieille dame qui n'est
pourtant pas une intellectuelle... Je crains qu'elle n'ait raison",
s'inquiète t il.
Un
artiste bien armé Titulaire d'un CAP en dessin bâtiment
ainsi qu'un certificat en anglais et d'enseignement de la langue nationale
bamanan, King Massassy a plusieurs cordes
à son arc. Il a déjà fait ses preuves dans l'enseignement
en enseignant, pendant cinq ans, dans une école expérimentale
de Kati. Une expérience qui a accru ses capacités d'analyse.
On comprend alors toute cette pédagogie qui se dégage
de ses engagées compositions. Rappeur, enseignant, LKM est également
un talentueux comédien. Ceux qui ont vu "Sékou Fasa"
et "Le retour de Bougouniery" le savent déjà.
Dans cette dernière oeuvre, il interprète un jeune rappeur
désireux de conquérir le coeur d'une fille à papa.
Il n'est pas passé inaperçu aux côtés de
comédiens confirmés comme Diarrah
Sanogo "Bougouniery", Hamadoun
Kassogué...
Une expérience de plus pour un jeune talent qui a presque trouvé
sa voie. "Le théâtre m'a permis d'acquérir
la maîtrise scénique. Avant, je savais captiver les fans
du rap. Aujourd'hui, je suis capable de retenir l'attention de n'importe
quel public une fois sur scène", confesse "Kini"
C'est ainsi que son oncle, incapable de prononcer
King, l'appelle dans la pièce). L'appétit vient
en mangeant. Et cette première expérience a donné
des idées à Lassy qui prépare
actuellement un "one man show" (soliloque). Tout comme il
est prêt à réaliser "une comédie
musicale si l'occasion se présente". Lassy nourrit
des projets à la mesure de son ambition d'être un artiste
accompli au service du peuple, des désoeuvrés, des opprimés,
des chômeurs... des laissés pour compte du système.
King se préoccupe beaucoup des jeunes qui sont désœuvrés
et menacés par des fléaux comme les MST/Sida. "Avant
de me marier, je faisais régulièrement mon test de dépistage.
Et même marié, je continue à le faire avec ma femme
qui ne voit aucun inconvénient à cela. L'indifférence
des jeunes s'explique par le fait qu'ils ne sont pas sensibilisés
à fonds. Un moment, j'étais content de voir des grands
panneaux de sensibilisation sur le sida et les MST. Ils ont presque
tous disparu. La sensibilisation contre une menace comme le sida ne
doit pas être temporelle, elle doit être régulière,
constante et sans relâche jusqu'à ce que les gens disent:
on en a assez", conseille King.
Une
graine de roi qui pense que le "Mali est le nid de paix de
l'Afrique" qui ne doit pas laisser la pandémie hypothéquer
ses potentialités de développement. Très élégant,
il n'oublie pas son épouse, Aminata Doumbia
"Mimi", une choriste qui sillonne
actuellement le monde avec le crooner de Djoliba (Salif
Kéita). En effet, le rappeur envisage de produire le premier
album de sa compagne. Une oeuvre déjà entièrement
enregistrée et mixée.
En attendant le coup d'essai de Mimi, Niokala
so de King sera bientôt sur le marché.
Et le souhait est que "les Maliens me montrent que j'ai été
un messager fidèle qui a été à la hauteur
de leurs attentes. Un porte parole qui ne s'est pas trompé sur
leurs préoccupations". Mais, ce n'est pas en achetant
des cassettes pirates qu'ils pourront le juger à sa juste valeur.
Aussi rappelle-t-il que "si les mélomanes veulent réellement
me soutenir dans mon engagement, ils doivent refuser de payer des cassettes
pirates. Aujourd'hui, il est facile d'identifier les cassettes légales
qui portent des stickers brillants". On n'aide pas un paysan
en encourageant les voleurs à le dépouiller de sa récolte.
Cela va de soi !
Moussa
Bolly
Photos Victor Corolleur |