Badema National
 

Le Badema National du Mali
Une carte postale musicale


Une des formations musicales les plus prestigieuses du Mali, le Badema National a contribué à asseoir la très grande notoriété dont notre pays jouit aujourd’hui.

L’expérience a commencé avec le retour des “Cubains”, c’est-à-dire le groupe de jeunes musiciens que le Mali indépendant avait envoyés en formation à Cuba. Il s’agit, entre autres de Boncana, Moustapha, Bah Tapo, Tino, Alou Traoré, Salif Kéita, Mahamane Touré... Une partie de ces jeunes ont donc fondé l’As Marabias. Un groupe dont la réputation a rapidement franchi les frontières du pays. Au cours d’une tournée en Guinée, ses musiciens ont été reçus par Ahmed Sékou Touré (Paix à son âme) très séduit par leurs compositions. Le premier président de la Guinée-Conakry leur a néanmoins fait remarquer que le nom de leur orchestre avait une consonance lusophone. Il leur a donc conseillé de lui donner un patronyme du terroir. C’est ainsi que le groupe est devenu le Badema National, c’était en 1976.

Par la suite, la rivalité suscitée par le succès du groupe a poussé vers la sortie certains fondateurs comme Khalil Traoré. Ce qui n’a heureusement pas hypothéqué l’expérience qui à continuer de plus belle même sans les Bah Tapo, Baba Traoré, Dramane Coulibaly et sous la houlette de Harouna Barry devenu directeur artistique en 1986.

La force du Badema, c’est que nous avons un répertoire varié. Nous ne nous contentons plus de l’Afro-cubain seulement. Nous avons fait de gros efforts dans l’arrangement des morceaux folkloriques comme "Fôgnana kuma", "Namah", "Guédé", "Touramakan", "Namory"...”, explique M. Barry. Et grâce à l’appui du gouvernement, l’orchestre avait annuellement un mois de retraite musicale. C’est ainsi que Harouna et ses musiciens se sont retrouvés à Koutiala (1975), Bougouni (1976) et Markala (1977) afin d’enrichir leur répertoire.
Les périodes de rupture n’ont pas manqué dans l’évolution du Badema. Ainsi, après le départ des “Cubains”, celui de Kassé Mady Diabaté a un été un autre coup dur que le groupe a eu du mal à supporter. “Le départ de Kassé Mady nous a mis dans une situation difficile parce que ce n’est pas un artiste qu’on peut remplacer aisément. J’ai essayé, après lui, plusieurs jeunes qui ne m’ont pas donné satisfaction. Mais, à quelque chose malheur est bon parce que ce départ nous a poussé à nous remettre en cause pour repartir sur une autre base”, explique le maestro. Un départ qui s’est fait beaucoup sentir dans les compositions et les arrangements.

Et un nouveau répertoire a ainsi vu jour sous le nom de “Mali carte postale”. “Ce menu comportait la musique spécifique à toutes les régions du pays. Nous avons reconstitué un répertoire en faisant fi de l’aspect griottique qui nous avait valu beaucoup de succès avec Kassé Mady”. Ce nouvel envol a été facilité par le talent et l’expérience des Mamah Cissoko, Sidi Coulibaly et ADS. Et l’arrivée de Mah Kouyaté N°1 a également été un atout majeur dans le succès de ce nouveau répertoire Parce qu’en plus de sa beauté et de sa grâce vocales, cette talentueuse cantatrice maîtrise à merveille le folklore de plusieurs ethnies du Mali.

Il serait ingrat de parler du Badema National sans évoquer l’aide d’Alpha Oumar Konaré. C’est lui qui avait équipé le Badema en 1978 lorsqu’il était ministre des Sports, des Arts et de la Culture. Et il a fallu attendre qu’il soit élu président pour que le Badema reçoive de nouveaux instruments, en 1994, sur son initiative. Il a tenu à ce que le Badema joue réellement son rôle d’orchestre national en participant à tous les événements de la vie de la nation (réceptions officielles, Conférences internationales...). Cela nous donnait l’opportunité de mettre en valeur l’expérience du groupe sorti enfin de l’ombre."

Au niveau de la discographie, le palmarès du Badema est loin de refléter sa grande notoriété acquise au fil des tournées en Afrique et dans le monde. Le premier disque, “Guédé”, est sorti en 1970. Et ce n’est qu
’en 2001 qu’il a pu mettre sur le marché un album, “Can 2002”. Un superbe album aux sonorités variées. Une œuvre dont les textes inspiraient des discours officiels à la veille et pendant la Coupe d’Afrique des Nations de football, “Mali 2002”. Malheureusement, elle n’a pas eu le succès escompté. “Nous avons été les premiers à chanter la Can. Parce que notre morceau remonte de l’attribution de la compétition au Mali. Et il met en valeur l’esprit du sport : gagner dans la dignité et perdre dans la dignité... Mais, certains journalistes et animateurs nous ont dénié ce rôle de pionnier en tentant de saborder notre travail”, explique Harouna Barry. Le maestro a laissé à son successeur un album déjà prêt.
A lui (successeur) maintenant de le mettre sur le marché. Sans oublier qu’il ne doit plus s’écarter de cette voie qui a conduit le Badema à la reconnaissance nationale et à la notoriété internationale.
Moussa Bolly


Harouna Barry, Artiste
La vocation de la musique


Saxophoniste atypique, compositeur et arrangeur de talent, Harouna Barry est l’une des têtes pensantes de la musique malienne.
Après une longue carrière au service de l’État, il a aujourd’hui décidé de se consacrer entièrement aux jeunes tout en aidant ses compagnons à vivre leur retraite.

Je suis enseignant de profession et artiste par vocation”, aime à répéter Harouna Barry, l’un des monstres sacrés de la musique malienne. Cette confession traduit toute la passion de l’homme qui peut légitimement dire qu’il est né artiste sans que personne ne crie à la vanité. Parce que son talent artistique est inné. Et son parcours est tout à fait atypique parce qu’il n’est pas du lot des “Cubains” du Mali. Mais, il ne les envie en rien.
J’ai été toujours attiré par la musique et j’ai appris à jouer plusieurs instruments sans que quelqu’un me les enseigne”, explique le maestro qui a passé 35 ans au service de la nation et qui a fait le bonheur et la réputation du National Badema du Mali. Le don naturel de l’artiste lui a permis d’enseigner des instruments à ses camarades. Un enseignement qui se faisait à l’aide de moyens rudimentaires comme des boîtes de conserves, les vieilles bouilloires. “Certains apprenaient la percussion, par exemple, en jouant sur leurs cuisses”, se rappelle-il.

La première formation de Harouna Barry a été l’Askia Jazz, une formation crée par les élèves du Lycée Askia Mohamed en 1960.
A partir de 1962, il crée le Rônier Jazz avec les Taras. Professeur de français et de géographie, Harouna est muté à Gao à la fin de sa formation (1964-65). Une année plus tard, il retrouve la terre de ces ancêtres, Kayes. Son talent, son ingéniosité et son ambition musicale lui ont permis de s’illustrer et de devenir finalement le directeur de l’Orchestre le Goffé Star de Kayes. Et c’est là qu’il s’est initié au saxophone pour relever un défi. En effet, “les anciens ne cessaient de nous critiquer en disant qu’il n’y avait pas assez d’instruments à vent dans notre orchestre. J’ai alors un jour décidé de m’essayer au saxophone. Mes camarades ont été séduits par mes premières notes et je n’ai plus arrêté”, se souvient-il. Personne ne lui a donc appris à jouer à cet instrument comme aux autres. N’empêche qu’il dit avoir des pères spirituels au saxo comme Tidiane Koné (Rail Band), Fela Kuti (Nigeria) et Manu Dibango (Cameroun).
C’est alors qu’il était le chef d’orchestre du Goffré Star que Harouna Barry a été sollicité, en 1975, par les Boncana Maïga et Khalil Traoré pour se joindre aux musiciens de l’As Marabias qui avait besoin d’un saxophoniste talentueux et expérimenté. Un groupe formé par les “Cubains” de la musique malienne. C’est ainsi qu’il a eu à côtoyer Boncana, Khalil, Bah Tapo, Baba Traoré, Amadou Bâh, Alou Traoré, Dramane Coulibaly, Issa Falaba Traoré... Après un bref passage comme directeur artistique de l’Ensemble instrumental national du Mali (1985-1986), Harouna Barry a été rappelé pour diriger le National Badema du Mali. Une responsabilité qu’il a assumée jusqu’en 2001. Année durant laquelle il a fait prévaloir ses droits à la retraite après 35 ans de bons et loyaux services.

Et pourtant, Harouna Barry n’est pas encore vieux. Ce terme, “vieux”, il ne veut pas l’entendre parce que, malgré ses 59 ans, il dit à qui veut l’entendre qu’il n’a que... 18 ans. “On ne vieillit que dans la tête. Et mentalement je suis encore très jeune”. Depuis sa retraite, Harouna a fondé l’orchestre “Les Barons” avec certains de ses camarades comme Ferdinand Coulibaly. Une formation dotée en instrument par l’ancien chef de l’État, Alpha Oumar Konaré. “Cela m’a beaucoup réconforté. Si je n’étais pas parvenu à me reconvertir de cette façon, je serais devenu fou. Parce que je n’aurais pas compris qu’on me laisse tomber après avoir rendu tant de service à ma patrie”, explique le Chevalier de l’Ordre national du Mérite. Pour lui, ce que la musique lui apporté, c’est la confiance et l’estime des jeunes. “Aujourd’hui, je suis en mesure de faire déplacer n’importe quel musicien à n’importe quelle heure et vers n’importe où. Cela est extrêmement important. Aucune fortune ne peut valoir à l’homme une telle confiance”, dit-il.

Même à la retraite, Harouna Barry continue à mettre son expérience au service des stars comme Haïra Arby et des jeunes dans une salle qu’il occupe actuellement à la Maison des jeunes. “Il est entièrement dévoué à la formation des jeunes. Courtois et disponible, Harouna nous enseigne beaucoup de choses utiles pour mener une carrière artistique. Et, en retour, il ne nous demande rien. C’est la preuve qu’il a l’amour et la passion de ce qu’il fait”, témoigne une jeune cantatrice. L’ambition de Harouna Barry, c’est de pouvoir transformer cette salle en Centre formation en chorégraphie et d’initiation aux instruments à vent. “Il est aujourd’hui urgent d’initier les jeunes à nos danses pour éviter leur prostitution. Nos danses se perdent au profit des pas de danse venus d’ailleurs. Elles sont donc aujourd’hui au bord de l’étouffement. Il est donc temps d’agir”. En attendant d’avoir les moyens de réaliser ce projet, Harouna poursuit ses expériences musicales avec les ADS, Sousountera, François Dembélé (promoteur du Santoro/Percussion). Et son prestige s’en sort chaque fois grandi. Ce qui est amplement mérité par le maestro.

Moussa Bolly

The National Badema of Mali
A musical postcard


The National Badema which is among the more prestigious orchestra of Mali contributed a lot to settle the great notoriety of our country.

The experience began with the return of the “Cubans”; that is to say the group of young musicians the independent Mali had sent for formation in Cuban. Some of them were Boncana, Moustapha, Bah Tapo, Tino, Alou Traoré, Salif Kéita; Mahamane Touré... a part of this young people formed the band “As Marabias”, which reputation quickly spread over the frontiers of the country. During one of their tours in Guinea, they were received by late Ahmed Sékou Touré because he was very seduced by their compositions. However, the first president of Guinea Conakry make them remark that the name of their band has a lusophone consonance. He then advised them to give it a name coming from the country. That’s how the band became the “National Badema” in 1976.

Later on, the rivalry caused by the success of the band pushed some founders like Khalil Traoré to leave the band. Fortunately, this didn’t stop the band which continued even without Bah Tapo, Baba Traoré, and Dramane Coulibaly under the direction of Harouna Barry (artistic director since 1986).

The force of the Badema is that we have a varied repertoire. We are not contenting with only afro-Cuban any more. We made big efforts on the arrangements of folkloric songs such as “Fôgnana”, “Kuma”, “Namah”, “Guédé”, “Touramakan”, “Namory”...”, said M. Barry. Thanks to the government, the orchestra had annually one retirement month. That’s how Harouna and his musicians went to Koutiala (1975), Bougouni (1976) and Markala (1977) to enrich their repertoire.
There were a lot of rupture periods in the evolution of the Badema. Thus, after the leaving of the “Cubans”, it’s the one of Kassé Mady Diabaté which has been very hard for the band. “The departure of Kassé Mady put us in a very difficult situation because he’s not an artist that can be easily replaced. After him, I tried a lot of young artists who didn’t give me satisfaction. The positive thing in this event is that it pushed us to question and start over on new bases” said the maestro. This departure was seen in the compositions and arrangements.

So a new repertoire was born with the name of “Mali postcard”. “This menu contained music of all the regions of Mali. We reconstituted the repertoire without griot music with which we had a lot of success with Kassé Mady”. This new takeoff was facilitated by the talent and experience of Mamah Sissoko, Sidi Coulibaly and ADS. The arrival of Mah Kouyaté N°1 helped a lot also because in addition to her beauty and her wonderful voice, this singer has a mastership in folkloric songs of several ethnical group of Mali.

It would be ungrateful to speak of the National Badema without evoking the help of Alpha Oumar Konaré. When he was minister of Sports, Arts and Culture in 1978, he equipped the Badema. The Badema waited until his appointment as President in 1994 to receive new instruments on his initiative. He did his best to make the Badema play his real role of National orchestra by taking part in all the events of the nation’s life (official receptions, international conferences…). This gave us the opportunity to highlight the experience of the band.

The discography of the Badema is far to reflect the notoriety it acquired during several tours in Africa and in the world. The first disk “Guédé” was released in 1970. The second “Can 2002” waited until 2001. It’s a wonderful album with varied sonorities which texts inspired speeches at the eve and during the Africa nation’s football competition “Mali 2002”. Unfortunately, this album did not meet the success expectations. Harouna Barry explains that “we have been the firsts to sing for the CAN because our song relates the attribution of the competition to Mali. It gives valour to the spirit of sport: win with dignity and lose with dignity… but some animators and journalists denied us this pioneer role by tempting to shut down our work.” The maestro left to his successor an entire album.
This one has to release it and to remember that he must not deviate from the road that led the Badema to national recognition and international notoriety.
Moussa Bolly

HAROUNA BARRY, ARTIST
The vocation of music

Atypical saxophone player, composer, arranger, Harouna Barry is one of the thinking head of Malian music. After a long career serving the state, he now decided to devote to the youth while helping his companions to live their retirement.

I’m teacher by formation and artist by vocation” repeats one of the sacred monsters of Malian music Harouna Barry. This confession translates all the passion of the man who can legitimately say that he was born an artist without anyone shooting to vanity because his artistic talent is innate. His trip is totally atypical because he’s not from the lot of the “Cubans” of Mali. But he has nothing to long for from them.
I have always been attracted by music and I learned how to play several instruments without the help of anybody” said the maestro who spent 35 years serving the nation and who made the fortune and the reputation of the national Badema of Mali. The natural gift of the artist permitted him to teach the instrument to his comrades. Teaching that was made with rudimentary means such as tins, old kettles. He remembers that “some learned to play percussion by beating on their thighs".

The first formation of Harouna Barry was the Askia Jazz, a band created by the students of the school Askia Mohamed in 1960.
In 1962, he creates the Rônier Jazz with the Taras. Teacher of French and geography, Harouna is transferred in Gao at the end of his formation (1964-65). One year layer, he goes back to the land of his ancestors, Kayes. His talent, ingenuity and musical ambition permitted him to illustrate himself and to become the director of the orchestra “the Goffé Star” of Kayes. It’s there that he learned saxophone to take up a challenge. “The ancient always criticized us saying that there were not enough wind instruments in our orchestra. I then decided one day to try the saxophone. My comrades were seduced by the first notes so I never stopped since then” he remembers. Nobody ever teach him how to play an instrument. He says that he has spiritual fathers at the saxophone such as Tidiane Koné (Rail Band), Fela Kuti (Nigeria) and Manu Dibango (Cameroon).
While being the director of the Goffé star, Harouna Barry was appealed to in 1975 by Boncana Maïga and Khalil Traoré to join the band “l’As Marabias” which needed a talented and experimented saxophonist. The band was formed by the Cubans of the Malian music. That’s who they rub shoulders with Boncana, Khalil, Bah Tapo, Baba Traoré, Amadou Bâh, Alou Traoré, Dramane Coulibaly, Issa Falaba Traoré... after a brief passage as the artistic director of the national instrumental ensemble of Mali (1985-1986), Harouna Barry was recalled to direct the national Badema of Mali; responsibility that he assumed until 2001. During this year, he made his rights to retirement prevail after 35 of good and loyal service.

And yet, Harouna is not old yet. Although his 59 years old, he says to everybody that he is only 18 years old. “You get old only in the head and I’m mentally still very young”. Since his retirement, Harouna founded the orchestra “Les Barons" with some of his comrades such as Ferdinand Coulibaly. A band equipped with instruments by the ancient president Alpha Oumar Konaré. “This comforted me a lot. If I hadn’t managed to reconvert myself in this way, I would have become crazy, I wouldn’t have understand to be given up after having work so hard for my homeland” explains the knight of national order of the merit. In his opinion, music brought him the confidence and the esteem of the youth. “Today, I’m able to make any musician move at any hour toward anywhere. It’s extremely important. No fortune can bring to a man such confidence” he said.

Even in his retirement, Harouna Barry continues to put his experience at the service of stars such as Haïra Arby and the youth in a hall that he occupies at the house of the youth (Maison des jeunes). “He’s entirely devoted to youth, polite and available; Harouna teaches a lot of things to lead an artistic career. And he doesn’t ask for anything in return. It proves that he has love and passion for what he does” says a young female singer. “It’s urgent today to initiate the young people to our dances to avoid their prostitution. We are loosing our manner of dancing because of new dances from other where. They are about to suffocate so it’s time to act”. Waiting for the means to realise this project, Harouna is continuing his musical experience with ADS, Soufountera, François Dembélé (promoter of Santoro/Percussion). His prestige is becoming bigger and the maestro largely merits it.

Moussa Bolly

15/01/2004