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Idrissa Soumaoro |
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Que
sont ils devenus ? Idrissa Soumaoro ? Connais, pas ! "Petit n'improudent provocateur" ? Ah. le chanteur de: "AncIen combattant" ! Voilà en fait le résultat d'une petite enquête que nous avons menée auprès de certains Bamakois. La chanson est connue. Très bien connue et appréciée parce que plein d'humour. Mais le, chanteur demeure un inconnu pour la majorité de ses fans. Et pourtant, "Ancien combattant" est l'un des meilleurs succès de la musique malienne de tous les temps. L'auteur, compositeur et interprète, Idrissa Soumaoro, n'a aucun complexe à reconnaître qu'il est "un villageois". Parce qu'il est né en 1949 à Ouéléssébougou. Un villageois est discret! C'est connu. L'enfant commence très tôt à s'identifier à un homme. Pas n'importe lequel puisqu'il s'agit du Directeur de l'école de son village qui n'est autre que son 'propre beau-frère : Drissa Diakité (Pais à son âme). "Je l'admirais pour sa générosité, sa modestie, sa simplicité et surtout par sa passion et son talent de transmettre ses connaissances aux autres, aux enfants", affirme-t-il. Une admiration qui le conduit directement sur la voie de son destin : la musique et l'enseignement. Il débute par des airs hindoues sur sa flûte. Sa première guitare lui est offerte par son père spirituel, son idole de beau frère. L'élève grandit aux côtés, du maître avec une seule ambition : être artiste afin de pouvoir aider son prochain avec son talent et ses connaissances. Après le DEF, il opte pour l'Institut national des arts (INA de Bamako. Son éternelle quête d'une solide formation lui permettant de mieux servir les autres. L'a par Ia suite conduit en Angleterre. Il revint avec un Certificat d'utilisation de la musicographie braille du Collège Royal et un Diplôme en éducation spéciale des handicapés visuels de l'université de Birmingham. Il devient l'un des rares spécialistes africains, de surcroit voyants, de l'enseigne de la musique par Ia technique de l'écriture braille. Le talentueux enfant de Ouéléssébougou a aujourd'hui plus d'une trentaine d'années d'expériance dans l'enseignement, dont 18 ans passés au service des enfants non voyants de l'Institut national des aveugles du Mali (INAM) devenu par la suite Institut des jeunes aveugles (IJA). Il a d'ailleurs dirigé cette structure de réinsertion socioprofessionnelle pendant deux ans (1994-96). Presque tous les jeunes artistes, non voyants, connus de nos jours ont bénéficié de son savoir et de sa générosité. A commencer par les plus célèbres: le couple Amadou et Mariam Bagayoko. L'administrateur des Arts et de la Culture est aujourd'hui Inspecteur général de musique à l'Inspection de I'enseignement secondaire. Plus de trente ans de dévouement et d'abnégation au service des autres et au détriment du succès artistique que son talent incontesté mettait à sa portée. Il faut être altruiste pour le faire. Une réussite, qui lui a certainement valu l'admiration du vieux instituteur politicien que Samanyana (Kangaba), Drissa Diakité, arraché à son affection il y a seulement quelques années suite à un accident de la circulation. Artiste désintéressé Sur le plan de la pratique musicale, Idrissa Soumaoro est auteur compositeur et interprète. Il compose notamment avec la guitare, le piano et le kamalen n'goni. Ancienne vedette des "Ambassadeurs" du Motel de la gare (I'ex-groupe du Rossignol Salif Kéita), il a aujourd'hui son orchestre, "les Compagnons", qui anime les soirées VIP à l'Hôtel de l'Amitié (actuellement en réfection), Eden Village, Comoguel ... "Tout ce que la musique m'a apporté, c'est le sentiment d'avoir fait de mon mieux pour les autres en partageant avec eux ma passion et ma vocation. Et cela est un énorme réconfort moral", rappelle le professeur de musique. En réalité, l'homme n'a jamais confondu art ou talent et argent, Contrairement à beaucoup de gens, l'argent a peu de signification pour lui. "Si je m'étais intéressé à l'argent, j'aurais pu faire fortune dans la musique et dans l'enseignement. Partout où j'ai étudié ou travaillé en Angleterre, on a tout fait pour que je reste. Mais cela n'a jamais été mon intention et mon ambition, Pour moi, le plus important était ce que je devais partager avec mes jeunes élèves, ma maigre contribution à leur réinsertion socio professionnelle. Resté aurait donc été très égoïste de ma part. Et je pense qu'il n'y a pas plus précieuse fortune que partager ses connaissances et son savoir avec les autres, surtout avec les enfants défavorisés par la nature. C'est une chance que tout le monde n'a pas dans la vie, Je l'ai eue et j'en ai profitée. Le reste n'a pas d'importance" rappelle-t-il sans fausse modestie. Premier Francophone non handicapé visuel a fréquenté le Collège Royal et l'Université de Birmingham pour la formation en enseignement de la musicographie braille, Idrissa s'est bâti une solide réputation de travailleur rigoureux et consciencieux, d'intégrité morale el professionnelle en Angleterre et partout où il a servi au Mali. Le professeur émérite est d'avis que la musique malienne a beaucoup progressé. "Nous avons aujourd'hui beaucoup de vedettes qui se sont imposées dans le show biz international. L'avènement de la télévision, des radios privées, de la presse privée d'une manière générle, a eu un impact positif sur son évolution", explique M. Soumaoro. Doué chef d'orchestre, Idrissa Soumaoro a figuré dans le jury de plusieurs compétitions artistiques et culturelles comme les Biennales, les Découvertes des jeunes talents de la chanson malienne, Tabalen, Festival des élèves et étudiants du Mail (FES-TEL)... Une confiance et une reconnaissance amplement méritées par cet éducateur et formateur qui a sacrifié toute sa vie pour la réussite des autres. Une vraie anecdote La célèbre chanson de Idrissa Soumaoro, "Ancien combattant", n'est pas le fruit de la simple imagination. Elle est composée à partir d'une anecdote qui avait fait marrer le chansonnier/humoriste et son ami à l'époque. Il nous l'a racontée : "Ancien combattant est une vraie histoire. L'ancien combattant en question était le père de mon intime ami, Madou Sacko (actuellement Directeur d'école à Bamako). Notre "Grin" se réunissait chez lui. Un jour, lorsque nous prenions notre thé de l'après-midi, nous avons entendu son père crier si fort que nous avons tous tremblé. Nous sommes donc accourus pour voir ce qui lui arrivait. Il nous alors expliqué que c'est un garçon de la famille voisine qui était venu frapper sa soeur jusqu'à ses côtés. La fille était donc venue se confiée à notre père. Offensé par un tel manque de respect, il s'est alors mis à crier à vociférer et à injurier. Vous savez, lorsqu'un ancien combattant se fâche, il aime s'exprimer dans cette langue (le français petit nègre) qui est le symbole de la puissance et de la domination pour lui. Nous avons tellement ri ce jour que nous nous sommes finalement retirés dans la chambre pour ne pas faire les frais de sa colère... Cela a trouvé que j'avais l'accord d'un rythme. Il ne restait que de l'accompagner d'une chanson. Je me suis donc inspiré de la colère de l'ancien combattant pour composer ma chanson avec les "cochons, pracha, malabré...". Je l'ai améliorée au fil de notre causerie au "Grin", autour du thé. Je l'ai enregistrée à la Radio Mali en 1969. L'ancien combattant (paix à son ame) avait réellement un casque accroché dans sa case. Et il avait été traversé par une balle dans le sens du front à la nuque. Mais, à l'époque, les casques étaient si hauts que la balle n'a pas touché sa tête. On ne peut pas toutefois le contredire s'il dit qu'une balle lui a pénétré par le front et sortir par le "ton" (nuque)" Carrière
musicale. La surprise musicale de cette année 2003. sera sans doute la sortie du tout premier album de la longue et riche carrière musicale de ldrissa Soumaoro. Le "bébé" est baptisé "Kotè". Comme "Kotèba". En référence à ce traditionnel art satyrique qui a pour vertu de critiquer sans offenser. Mettant en scène les gens à travers leurs mauvais caractères et comportements ainsi que les dérives autoritaires des chefs, le kotèba vise avant tout à amener ceux qui s'y reconnaissent à prendre conscience de leurs défauts afin de s'améliorer socialement. C'est la même ambition qui a poussé Idrissa Soumaoro à entrer pour la première fois dans un studio digne de son nom pour enregistrer des chansons. ProduIt
par "Syllart Production," (Ibrahima Sylla dont la maison fête ses vingt
de production et de promotion musicale ayant beaucoup profité aux artistes
africains, singulièrement maliens). Kotè est un album de 14 titres fantastiques
et somptueux dont des reprises comme "Ancien Combattant", "Nbandew",
"Dougou1amini"... Cette première "vraie oeuvre", comme il aime à le
dire lui même, a été enregistrée au Studio "Bogolan"
de Mali K7 et mixée à Paris. Un opus qui a enregistré la participation
et la collaboration de Mamou
Sidibé et Ramata Diakité
(choeur), Boubacar Gakou "Babouya", Adama Coulibaly, etc. Comme on pouvait
le prévoir, Koté est très acoustique avec des influences de la musique
des chasseurs du Mali ("Dougoulamini", reprise d'un succès de Toumani
Koné, paix à son âme), jazz, blues ... Le chansonnier / humoriste fait, dans Koté, assez de place à l'amour. Le vrai, l'essence et la finalité de l'Eros. "Je chante pour rapprocher les gens afin qu'ils s'aiment sans distinction de sexe, de couleur, de religion, etc. Si les gens s'aiment réellement et sincèrement, notre pays, notre continent et notre planète peuvent être à l'abri des conflits que nous connaissons actuellement. Sans compter que cela est de nature à améliorer la qualité de la vie dans une société grâce à la tolérance et à l'entraide", souligne I'altruiste militant de I'intégration sociale, politique et économique de notre sous région et du contient. Bientôt disponible sur le marché, Koté suscite déjà la convoitise des connaisseurs qui ont savouré quelques extraits sur la bande FM. Ne vous privez pas surtout de l'opportunité de savourer à votre tour, une si succulente galette qui a toutes les saveurs d'un "album de l'année". Et gare aux petits "nimprudent provocateurs" qui oseront "piratager" le chef d'œuvre de l'ancien combattant de Ouéléssébougou ! Moussa Bolly / Article paru dans le journal Le Reflet N° 302 du 5 mars 2003 "Ramsès" (Sidi Soumaoro) du Tata Pound. Il s'illustre sur les traces de son père, dans un genre particulier, mais avec le même engagement. |
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03/03/2004 |