Son
père est un balafoniste
confirmé et sa mère une célèbre chanteuse.
Elle apprendra donc à leurs côtés. Plus tard, elle
se fait remarquer pendant les fêtes du village au clair de lune.
Adolescente, elle chante pour encourager les paysans dans les champs,
mais bien décidée a faire carrière, Mamou
abandonne son village pour s'installer à Bamako. Et c'est au
tournant des années 80 qu'elle intègre le groupe d'Oumou
Sangaré. Choriste, elle participe à la réalisation
de son premier album qui fera un véritable tabac : "Avec
Oumou Sangaré, j'ai
appris beaucoup de choses. elle a renforcé ma passion",
précise t'elle.
A travers les "Sumu", les cérémonies de baptême
et de mariage, Mamou consolide ses acquis
et quitte le groupe d'Oumou Sangaré,
Caprice ? Plutôt désir d'entreprendre une carrière
solo. Mais il faudra attendre pratiquement dix ans avant qu'elle puisse
prouver son talent… Finalement, c'est Mali K7 qui lui propose
un contrat. Et elle débute les répétitions avec
Moussa Koné : "Quand Mamou
venait ici, début 1998, malgré sa belle voix, il a fallu
qu'elle travaille beaucoup. J'ai même pensé qu'elle allait
lâcher prise. Mais elle est restée courtoise et ne s'est
jamais énervée", explique Yves
Wernert.
Dotée
d'une formidable capacité de travail et d'une volonté
farouche, Mamou Sidibé parvient
à atteindre son objectif dès son premier enregistrement.
Le succès est au bout de l'effort.
"Nakan"
(Le destin) album produit par Philippe
Berthier, réalisé par Yves
Wernert et Moussa Koné lance
Mamou dans la cour des divas de la chanson
malienne.
Interview
Express (1999)
Est
ce que par cet album vous avez voulu donner une réplique à
techno Issa?
Mamou : Déjà ceux qui me
connaissent, m'appelle "Techno Mamou"
mais sincèrement il n'y a pas une grande différence entre
la musique du Wassoulou et celle du Ganadougou. Je pense qu'à
coté de la musique traditionnelle classique il faut un autre
genre de musique pour recréer la jeunesse malienne et leur servir
de repère.
Quel
est votre thème préféré?
Je n'ai pas de thème particulier mais ma position par rapport
au comportement de la jeunesse, s'inspire plutôt des conseils
comme dit un adage de chez nous ... si jeunesse savait.
Votre
coup de G...
Je voulais parler d'un fait que je n'ai pas connu mais qui se trouve
être l'ennemi de tous les artistes. Je veux parler de la piraterie.
Il faut que les uns et les autres comprennent que sans les royalties
et les redevances de droit d'auteur, un artiste ne peut vivre encore
moins produire un autre album pour les ses fans. Je voulais aussi inviter
les autorités à plus de diligence dans le traitement de
ce dossier et nos aînés à mieux nous organiser pour
combattre l'ennemi commun.
je vous
remercie!
Mamou
Sidibé
Artiste
La femme n'a pas l'importance qu'elle mérite"
Propos recueillis par Moussa Bolly (2003)
"Nakan"
(Destin) est l'album qui a marqué, en 1999, la fracassante entrée
de la jeune Mamou Sidibé sur la
scène musicale malienne. Un succès national (environ 35.000
exemplaires vendus au Mali) qui a aussi permis à la superbe voix
du Ganadugu, de faire un timide mais prometteur pas dans le showbiz
international. Ces derniers temps, la Techno, Girl s'est un peu effacée
de la scène. Pourquoi ? Elle s'en explique dans l'entretien qu'elle
nous a accordé avec gaieté de coeur.
Interview
:
Le
Reflet: Cela fait un bout de temps qu'on ne vous voit pas sur scène.
Qu'est ce qui explique ce replis ?
Mamou : J'ai pris un peu de recule afin
de mieux me consacrer à la composition et à l'enregistrement
de mon prochain album. Cela était d'autant nécessaire
que je suis maintenant condamnée à faire mieux que la
première cassette qui a été très bien accueillie
par les mélomanes, surtout par les enfants et les Jeunes.
-
Parlez-nous de ce nouvel album?
C'est un album de douze titres qui sera bientôt sur le marché.
Sur cette oeuvre, j'ai donné le meilleur de moi pour répondre
aux attentes de mes fans et mériter leur confiance. Nous avons
mis douze titres pour manifester notre reconnaissance aux mélomanes
qui, malgré la conjoncture, continuent à se sacrifier
pour pouvoir acheter des cassettes légales. J'espère que
l'album sera à la hauteur de leurs attentes.
-
Quels sont les messages contenus dans cet opus ?
J'ai appelé l'album "Musoya" qui est aussi son titre
phare. J'y rends hommage aux femmes accusées de tous les péchés
d'Israël et sur qui retombent les conséquences négatives
de tous les maux de nos sociétés et tous les conflits
politiques. Il n'est pas aisé d'être une femme dans la
société africaine. Dans un foyer si le couple tarde à
avoir un enfant c'est l'épouse qui est systématiquement
indexée.
On n'admet presque jamais qu'un homme peut être aussi stérile.
Si un enfant de la famille échoue dans la vie c'est la mère
qui est accusée. Les femmes sont les premières victimes
de la guerre, de la disette, de la pauvreté et de bien d'autres
fléaux sociaux. Et pourtant dans nos pays, on peut éviter
beaucoup de problèmes ou des crises si on accorde à la
femme toute l'importance méritée. Je parle aussi de pauvreté
face à laquelle on ne doit jamais accepter dé perdre son
honneur et sa dignité. La paix, la mort, la famine, les conflits
de génération, la scolarisation, etc. sont les autres
thèmes abordés dans Musoya.
-
Qu'est ce qui distincte Nakan de Musoya ?
Le premier album est exclusivement techno. Alors que sur Musoya, il
n'y a que quatre morceaux techno. Nous sommes donc revenus en arrière.
Pas parce que nous sommes à bout d'idée pour avancer sur
la voie de la musique techno. Mais parce que nous sommes conscients
que la revalorisation des instruments traditionnels, des piliers de
nos traditions et de notre culture, est un devoir pour nous les artistes.
Les huit autres titres sont donc arrangés à partir des
instruments traditionnels comme le dun dun, la calebasse,
le kamalen ngoni, la
flûte... Mais à entendre certains rythmes, beaucoup vont
se dire qu'ils proviennent des instruments électriques. Qu'ils
se détrompent, c'est la calebasse
qui donne tous ses effets. Nous avons seulement voulu démontrer
qu'avec nos instruments, on peut obtenir toutes les sonorités
et arranger tous les rythmes. Nous aurions pu faire un album avec exclusivement
nos instruments, mais nous n'avons pas voulu brusquement et totalement
rompre avec les instruments électriques. J'espère que
cette nouvelle expérience sera comprise des Maliens et qu'elle
portera ses fruits.
-
Nakan, votre premier album, a eu beaucoup de succès. A-t-il financièrement
été à la hauteur de vos attentes ?
Dieu merci! Même le simple fait de pouvoir mettre un album sur
le marché est une grande chance et un immense bonheur, pour lesquels
il faut toujours rendre grâce à Allah.! Sinon je n'ai presque
bénéficié d'aucune retombée financière
du succès de Nakan à cause de la piraterie. C'est l'un
des albums les plus piratés au Mali des dernières années.
Heureusement qu'elle m'a apporté de la notoriété,
de la reconnaissance de mes compatriotes et beaucoup de relations. Ce
qui est un grand réconfort social et moral qu'aucune fortune
ne vous garantit. En dehors de cette reconnaissance nationale, j'ai
aussi eu la chance de participer à des festivals comme Africolor
de Saint Denis (France) et à des tournées en Europe. Ce
n'est pas tous les artistes qui ont cette satisfaction dès leur
premier album. Je dols cela à Allah et à Mali K7.
-
Qu'est ce que ces tournées vous ont-elles apporté ?
Une très grande et enrichissante expérience. J'ai eu beaucoup
de contacts et assez d'opportunités d'approfondir mes connaissances
musicales et d'évaluer le chemin parcouru ainsi que ce qui me
reste à faire pour me hisser au niveau de mes aînés
sur la scène internationale comme Salif
Keita, Oumou Sangaré,
Nahawa Doumbia, Rokia
Traoré, etc. Je crois avoir progressé et j'espère
que les mélomanes, vont sentir cela sur Musoya.
-
Le fin mot de la fin ?
J'ai conçu ce second album avec une certaine maturité
surtout dans l'esprit de la solidarité et de la fraternité.
Il revient aux mélomanes de juger le fruit de mon travail. Le
seul conseil que je leur donne, c'est de payer des cassettes légales
de leurs artistes. Qu'ils sachent que s'ils payent une cassette pirate
même à 300 FCFA (0,46 €), moi je n'ai pas un franc
dedans. C'est la même situation pour tous les autres artistes
du pays. Mais, en payant une oeuvre légale à 900 (1,37
€) ou 1.000 FCFA (1,52 €), ils nous donnent la possibilité
de vivre dans la décence et de pouvoir produire d'autres cassettes.
Je salue l'initiative des autorités qui ont donné une
machine à sticker au Bureau Malien du Droit d'Auteur BUMDA).
Mais à mon avis, c'est l'attitude des mélomanes qui sera
déterminante dans le succès de la lutte contre la piraterie.
Ce sont eux qui peuvent décider de boycotter les oeuvres piratées
et nous sauver de la misère et de la précarité.
Je rends enfin hommage à Tata
Diakité douloureusement arrachée à l'affection
de tous le 24 janvier dernier. Que son âme repose dans l'infinie
grâce d'Allah. J'ai été particulièrement
affectée par cette tragique et brutale disparition de Tata
parce que la veille de son accident, elle était avec moi au studio.
Elle a fait le choeur de mon album avec générosité,
humilité, courtoisie et professionnalisme.
Moussa
Bolly - Le Reflet N° 294 du 10 février 2003 |