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Les rythmes de transe de la haute boucle du Niger, les mélopées lancinantes des vedettes de l'Ensemble Instrumental National, le jeu syncopé de Lamissa Bengaly, célèbre Balafola du Kénédougou, les volutes douces-amères des chanteuses du wassoulou… Encore gamine, elle s'en nourrit pour en apprendre ensuite les techniques vocales et instrumentales. En 1993, rentrée à Bamako, la petite Rokia s'engage comme rappeuse dans une formation de lycéens faisant du hip-hop, les "Let's Flight", histoire d'accomplir ses premières épreuves de chanteuse. Après une série de 5 concerts et des passages aux émissions télédiffusées (Top étoiles ; Etoiles du Mali) entre 1995 et 1997, elle réalise "Mouneïssa" en 1998.
Le
pari de Rokia Traoré est là : faire une
musique authentique et innovatrice sans succomber aux modes. ![]() Dans son nouvel album "Wanita", notre artiste renoue avec l'orchestration acoustique de "Mouneïssa" (à laquelle se joint une basse électrique sur quatre titres) et poursuit l'expérience de l'enregistrement précédent : réunir le timbre grondant du grand balafon balaba, animateur de choc pendant les danses au clair de lune, avec les riffs plus subtils, quoique graves, du n'goniba, la guitare tétracorde qui ponctue les récits épiques.
Voilà le secret de toute vraie chanteuse : créer sa propre langue, un idiome musical jailli d'une source parfois mystérieuse et qui touche au cœur des gens. Ainsi, "château de sable", la seule plage en français (les autres étant interprétées en bamanan), ne se détache pas de la couleur musicale de l'ensemble. L'artiste y tenait beaucoup et a tellement développé son travail sur les sonorités que ces dernières transcendent le sens des mots pour acquérir une autonomie par rapport à la langue employée. "J'ai chanté ma langue dans leur langue", dira Rokia Traoré. Dans "Yaafa n'ma", supplique de l'humilité aux allures d'une ballade. On y évoque les puissances de la vie et de la mort par des formules syllabiques qui nous rappellent l'art du bel canto. "Yèrè uolo", chantée dans un style plus typiquement bamanan, est habilement arrangée dans le dosage entre la voix et l'instrumentation, et ses airs alertes imposent à Rokia un débit plus rapide. Inspiré d'un raga indien, "Souba" est un hymne au partage qui impose une voix aurorale sur fond d'accompagnement minimal. En bref voici un album qui consacre une vocaliste aux moyens encore inexplorés, mais qui a déjà rendu à la musique du Mali et aux Musiques du monde en général la beauté tendre et ineffable du chant épuré. Luigi Elongui www.rokiatraore.net |
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04/03/2004 |